19 juin 2007

Rushdie: manifestations de rue et protestation officielle du Pakistan

ISLAMABAD, Pakistan (AP) - Le Pakistan ne décolère pas. Sur fond de manifestations de rue à Lahore et Karachi, le ministère des Affaires étrangères a convoqué mardi l'ambassadeur britannique à Islamabad pour lui remettre une protestation officielle après le titre de chevalier accordé à l'écrivain Salman Rushdie par la reine Elizabeth.

De son côté, l'ambassadeur Robert Brinkley a lui aussi transmis aux autorités d'Islamabad une protestation de son pays au lendemain des déclarations d'un ministre pakistanais ayant suggéré qu'un tel honneur accordé à l'auteur des "Versets sataniques" pourrait justifier un attentat-suicide.

Lors de cette convocation, les autorités d'Islamabad ont officiellement protesté auprès de l'ambassadeur de Grande-Bretagne contre "le manque total de sensibilité" de Londres dans cette affaire, a fait savoir la porte-parole du ministère pakistanais des Affaires étrangères Tasnim Aslam.

L'ambassadeur a été reçu par un représentant du ministère qui lui a expliqué qu'aux yeux du Pakistan, Rushdie était "une personnalité controversée qui est moins connue pour ses contributions à la littérature que pour ses écrits offensants et insultants qui ont profondément blessé les sentiments des musulmans à travers le monde entier", a rapporté Mme Aslam.

Pour sa part, le diplomate britannique a protesté contre les déclarations faites devant les députés par le ministre pakistanais des Affaires religieuses, Ejaz ul-Haq. Lundi, ce dernier avait en effet déclaré que, "si quelqu'un faisait exploser une bombe sur son corps, il aurait raison de le faire, à moins que le gouvernement britannique ne s'excuse et ne retire le titre de 'sir'" à Salman Rushdie.

Lors de sa convocation au ministère, l'ambassadeur "a exprimé clairement la profonde préoccupation du gouvernement britannique face à ce que le ministre des Affaires religieuses aurait dit", a indiqué le Foreign Office à Londres dans un communiqué. "Le gouvernement britannique est très clair sur le fait que rien ne peut justifier des attentats-suicide."

Mardi, le ministre concerné a nuancé quelque peu ses propos en expliquant qu'il avait voulu dire qu'une telle récompense pour un homme comme Rushdie pourrait servir de justification pour des attentats-suicide.

Honorer l'auteur d'un "livre blasphématoire" pourrait nuire à l'harmonie interreligieuse et porter atteinte aux efforts pakistanais dans la lutte contre le terrorisme, a ajouté M. Ul-Haq. "Même une seule mauvaise mesure, comme la récompense accordée à cet homme Salman Rushdie, équivaut à gâcher ces efforts", a déclaré le ministre pakistanais aux journalistes à Islamabad.

Pour la deuxième journée consécutive, des manifestations de faible ampleur se sont déroulées dans des villes pakistanaises. A Lahore (est), une grosse centaine de partisans de groupes religieux sunnites et chiites ont manifesté devant le press club de la ville en criant "Pendez Salman Rushdie", "A bas la Grande-Bretagne", et en brûlant des drapeaux britanniques. A Karachi (sud), quelques dizaines de partisans d'un parti politique religieux ont scandé des slogans tels que "A mort Salman Rushdie" et ont brûlé une effigie de l'auteur.

Samedi, le palais de Buckingham a annoncé que la reine Elizabeth II d'Angleterre avait décidé de faire chevalier l'écrivain britannique d'origine indienne Salman Rushdie, auteur des "Versets sataniques". Jugeant cet ouvrage "blasphématoire" pour l'islam et le prophète Mahomet, l'ancien guide suprême de la Révolution islamique iranienne, feu l'ayatollah Khomeini, avait lancé en 1989 une "fatwa" (édit religieux) condamnant à mort le romancier.

A la suite de cette fatwa, l'écrivain avait été obligé de vivre dans la clandestinité pendant des années. Rushdie est considéré comme l'un des grands romanciers de langue anglaise de la fin du 20e siècle et a reçu de nombreuses récompenses littéraires.


La réaction des extrémistes religieux ne s'est pas faite attendre. Contrairement aux propos de M. Ul Haq, ce ne sont pas les "blasphèmes de Salman Rushdie qui favorisent le terrorisme mais les extrémistes qui justifient le meurtre de ceux qui n'ont pas le bonheur de penser comme eux et le disent librement, comme les y autorise la démocratie.

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