12 janvier 2006

La végétation émet de grandes quantités de méthane, puissant gaz à effet de serre

LE MONDE

La revue Nature publie, le 12 janvier, une étude qui pourrait conduire à réviser quelques fondamentaux des sciences du climat. Franck Keppler (Institut Max-Planck d'Heidelberg) et ses collègues y révèlent que les plantes émettent de grandes quantités de méthane (CH4), un puissant gaz à effet de serre, ce qui avait jusqu'alors échappé à tous. "Cela chamboule un dogme qui voulait que le méthane d'origine naturelle soit produit essentiellement dans les zones inondées, mais aussi lors de la combustion incomplète de la biomasse, par les éructation des ruminants et les flatulences des termites", résume Jérôme Chapellaz, du laboratoire de glaciologie et de géophysique de l'environnement de Grenoble. Le méthane, croyait-on, était en majeure partie issu de l'activité microbienne en absence d'oxygène.
L'équipe de Franck Keppler a mesuré en laboratoire les émissions de CH4 de toute une série de végétaux, en s'assurant que le gaz n'était pas le produit d'activités bactériennes. Le mécanisme biologique qui est à leur origine reste à élucider, mais les chercheurs proposent déjà une estimation de leur volume : elles représenteraient 10 à 30 % des sources annuelles de méthane ! Cette découverte éclaire des observations inexpliquées, comme la mesure par le satellite Envisat de niveaux élevés de méthane au-dessus des forêts tropicales en 2003. En outre, la subite baisse globale du taux de méthane atmosphérique observée ces dernières années perd de son mystère si l'on prend en compte la déforestation, qui a vu la surface des forêts tropicales diminuer de 12,3 % entre 1990 et 2000.
L'INTÉRÊT DE LA REFORESTATION
Le pouvoir de réchauffement du méthane est vingt fois plus fort que celui du principal gaz à effet de serre, le dioxyde de carbone (CO2), dont le niveau de concentration dans l'atmosphère est toutefois 300 fois plus élevé. Cela remet-il en question l'intérêt des projets de reforestation, ces "puits de carbone" destinés à piéger le CO2, qu'on pourrait comptabiliser dans des politiques "post-Kyoto" de réduction des gaz à effet de serre ?
Avant toute chose, il conviendra de confirmer les estimations de l'équipe de Keppler, prévient Bernard Saugier, professeur d'écologie à l'université Paris-Sud. "Intéressé" par les mesures en laboratoire, il se dit "agacé par leur extrapolation très sommaire à la biosphère tout entière", un calcul préliminaire montrant qu'une estimation plus basse des flux de méthane est tout aussi plausible. "Ces résultats incitent à mieux cerner toutes les composantes des gaz à effet de serre et pas seulement le carbone", commente Jean-François Soussana (INRA, Clermont-Ferrand). "Il va falloir travailler à une partition différente des sources de méthane", appuient Philippe Ciais et Philippe Bousquet, du Laboratoire des sciences du climat et de l'environnement.


Des résultats étonnants et qui soulignent la difficulté de trouver des solutions à des problèmes complexes sans des recherches poussées. Amateurs de solutions simplistes s'abstenir.