16 novembre 2005

La plante qui cache le poison

(LEXPRESS.fr ) : Les zélateurs forcenés de la phytothérapie devraient se méfier. A force de répéter que les plantes sont efficaces pour traiter toutes sortes d'infections, ils oublient une chose: si elles sont réellement actives, elles peuvent donc aussi être dangereuses. Surtout si on confond l'une avec l'autre. Prenez Stephania tetandra, une herbe d'origine chinoise censée faire maigrir. Commercialisée par la firme Arkopharma sous le doux nom d'Asiatitrat, elle fut utilisée par près de 2 000 femmes en France au début des années 1990 et plus encore en Belgique, où 1 million et demi de gélules furent vendues.

Mais voilà, si Stephania paraît inoffensive, sa cousine Aristolochia est, elle, très nuisible. L'un de ses composants constitue même un poison qui peut provoquer une insuffisance rénale ou des cancers des voies urinaires, et ce plusieurs années après qu'on l'a ingéré. Or, en chinois, la première s'appelle han fangchi et la seconde guang fangchi. Deux noms très proches qui expliquent que, entre 1989 et 1992, Arkopharma ait importé par erreur 750 kilos d'Aristolochia. Le leader européen de la phytothérapie et des compléments alimentaires (près de 250 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2004) a beau arguer que ces deux plantes étaient autorisées à la vente, sept femmes au moins, en France, en ont subi de graves conséquences et deux en sont mortes. L'une avait 40 ans, l'autre 34. Le mari de cette dernière a porté plainte en 2001 pour homicide involontaire.

Au cours du procès, qui s'est tenu le 5 octobre, le procureur avait requis deux ans de prison et 20 000 euros d'amende à l'encontre du PDG de l'époque. Celui-ci a d'ailleurs reconnu avoir «vendu une plante pour une autre», tout en se défendant d'avoir manqué de vigilance. Le verdict, rendu ce 17 novembre, donnera sans doute lieu à une procédure d'appel. Mais il aura au moins eu un mérite: rappeler les risques d'une «conception erronée et largement répandue [qui] fait de “naturel” le synonyme de “sans danger”». La phrase est tirée d'un rapport de l'Organisation mondiale de la santé paru en décembre 2002. Dans un pays où 49% de la population a déjà eu recours, au moins une fois dans sa vie, à des médecines complémentaires ou parallèles, elle prend tout son sens.

(21/11/05 : L'ex-PDG en question a été condamné à trois ans de prison avec sursis et à 30.000 euros d'amende mais a fait appel. Le pharmacien niçois, qui comparaissait également, a été condamné quant à lui à 12 mois d'emprisonnement avec sursis.)